Draco - Who am I ?

Draco n’a jamais eu de personnalité propre. Étrange à dire, pour un jeune homme de 17 ans, c’est pourtant une réalité dont il prend conscience chaque jour un peu plus. Petit, il était énergique, sans arrêt en train de courir partout, envie de découvrir le monde, de s’émerveiller devant la moindre chose. Puis la réalité l’a rattrapé. Une tape derrière la tête, une claque, et le garçon comprend qu’il doit être calme, adopter les bonnes manières à la hauteur de son rang. Tête haute, regard fier, il apprend à être hautain, à juger tout et tout le monde, en permanence. Rien n’est jamais assez bien pour lui, il a après tout un statut presque équivalent à celui d’un prince.
Aujourd’hui, certains de ces traits de caractère sont toujours présents. Peut-être parce qu’il ne sait pas comment se détacher du passé, alors qu’il en crève d’envie. Rancunier, il l’a toujours été. Il suffit de voir la haine développée pour un pauvre gamin ayant refusé de serrer sa main. Mais maintenant, il l’est encore plus. Envers une personne en particulier, celui qui l’a entraîné vers les plus noires abîmes alors qu’il n’était qu’un gosse. S’il est peureux et lâche de nature, depuis toujours, il a découvert qu’il pouvait avoir un côté courageux en se forçant un peu et il est prêt à explorer un peu plus ce côté de sa personnalité.
S’il y a une chose qui n’a jamais changé au cours de sa vie, c’est sa loyauté indéfectible. Draco n’a qu’une parole et si une relation lui tient à cœur, il fera tout pour la conserver intacte. Il a toujours été loyal envers sa maison à Poudlard, son second foyer, envers les amis qu’il s’y est fait, même s’ils n’ont pas toujours eu les mêmes opinions. S’il y a en revanche une personne à qui il ne tournera jamais le dos, c’est sa mère, celle qui lui a tout donné et à qui il donnerait tout. Son cercle de relations est peut-être restreint, abîmé par des combats auxquels des adolescents n’auraient jamais dû être confrontés, mais jamais il n’abandonnera l’un des siens.
Les années sombres qu’il a vécu lui ont forgé un caractère d’acier. Il a été poussé à bout, a craint pour sa vie jour après jour, et a appris à être profondément reconnaissant, sentiment étrange qu’il n’avait jamais éprouvé. Tout ne lui est pas dû – cela a été difficile à comprendre – et il a vu des ennemis devenir des sauveurs inespérés, pour lesquels sa gratitude n’a pas de limite, même s’il est aujourd’hui encore incapable de l’exprimer.
Expressif, il ne l’a jamais été. Pas approprié, pas distingué, les émotions ça se garde pour soi et ça ne se montre pas. C’est ce qu’on lui a toujours appris, ce qu’on lui a imposé et ce qu’il continue d’appliquer bien malgré lui. Les sentiments, les émotions, rien ne franchit jamais ses lèvres, rien n’est jamais lisible sur son visage, il est un livre fermé, maintenu clos par des liens presque indestructibles... Presque.

TW – violence familiale, torture


L’enfance… L’insouciance… Elle n’aura pas duré bien longtemps. Draco, petit blond au visage d’ange, au sourire ravageur et à l’énergie folle, court dans le jardin du manoir sous le regard aimant de Maman. Il poursuit un papillon bleu, bras tendus, mains ouvertes, riant aux éclats. Son premier souvenir heureux. Peut-être le dernier aussi ? Il n’en sait rien. Le bonheur tourne court. Père est rentré du Ministère, une grimace sur le visage. Les crocs de la tête de serpent s’enfoncent dans son épaule pour le stopper, l’enfant fait volte-face, ne comprend pas. La première fois, c’est une tape derrière la tête. ‘Arrête de faire l’idiot. Tu as passé l’âge.’ Les yeux clairs se remplissent de larmes, qui coulent bien rapidement sur les joues rebondies... Avant qu’elles ne rougissent sous la force de la claque. Draco comprend. Il baisse la tête et rentre, s’installe dans la bibliothèque, ouvre un livre presque aussi grand que lui, tente de déchiffrer les lettres. Maman le rejoint bien vite, son sourire a disparu. Elle l’aide à déchiffrer les lettres, qui deviennent des mots. Père ne vient pas, Draco sèche ses larmes petit à petit. Peut-être que Père est simplement en colère aujourd’hui ? Oui. Demain, tout ira mieux.

Demain ne vient jamais. Draco comprend que tout cela, c’est pour son bien. Les claques servent à lui faire comprendre que son attitude n’est pas la bonne. Les coups de canne lui forgent le caractère. Il comprend. Père ne veut que son bien, que sa réussite. Il est son héritier, après tout, il doit porter correctement son nom, agir comme un Malfoy, faire la fierté de son ascendance. Alors pour éviter les coups, pour rendre Père le plus fier possible, Draco se tait. Draco ne bouge pas. Draco étudie. Draco devient le parfait Sang-Pur, l’irréprochable et hautain petit Serpentard par excellence. Il n’est pas encore à Poudlard, mais il le sait, aucune autre maison n’est acceptable, il sera un vert-et-argent. Le soir, quand il a fait un pas de travers, quand Père s’est énervé, quand ses joues ou son dos sont rougis par les coups, Maman se glisse dans sa chambre et le serre contre elle. Elle caresse ses cheveux en silence, sèche les larmes qui ne coulent plus depuis des années déjà, lui assure que tout ira bien et qu’elle l’aime, qu’il est tout pour elle. Elle, elle est tout pour lui.

Poudlard est une vitrine. Pas une école, pas une chance de s’éloigner de la maison, pas un second foyer, pas un endroit où tisser des liens. Une vitrine. Une vitrine pour son nom, pour son père, pour sa famille. Il devra y montrer les valeurs qui sont les siennes – celles de Père – et faire comprendre qu’il est important, plus que tous les autres. Il y retrouve d’autres noms connus, se fait une place parmi eux, se hisse au sommet de la hiérarchie. Il est un Malfoy, pas n’importe qui. Il met en place tout ce qu’il a appris, ne montre jamais rien hormis une façade froide et moqueuse, un dégoût des sorciers inférieurs et un mépris évident pour tout ce qui n’est pas à sa hauteur. Sang de bourbe, traître à ton sang... Toutes les insultes sont bonnes tant qu’elles rabaissent suffisamment les autres. Après tout, pour une fois, ce n’est pas lui qu’on traite d’incapable, de moins que rien, d’idiot profond... Il rend coup pour coup, même si lui ne lève jamais le poing.

Les années passent et le monde change autour de lui. Les querelles d’écoliers quittent vite son esprit, remplacées par des conflits plus profonds. Il a fait la fierté de Père des années durant, en devenant Préfet, en rejoignant la Brigade Inquisitoriale, mais rien n’a jamais été assez bien. Jusqu’à ce jour. Le jour de la désormais célèbre « Bataille du Département des Mystères ». Draco sait ce qu’est son père, il ne lui a jamais caché que Le Seigneur des Ténèbres aurait été le meilleur dirigeant possible pour le monde sorcier, qu’il aurait dû accéder au pouvoir pour ‘remettre de l’ordre dans toutes ces sottises’. Mais voir son père ainsi sali, traîné dans la boue... Il ne le supporte pas. Maman est silencieuse dans le grand manoir vide et il ne supporte pas ça. Alors quand on lui impose la marque, pour effacer les erreurs de son père, il prend cela comme un honneur.

La première mission lui est confiée et l’étreinte du serpent commence à se resserrer sur la gorge de l’adolescent. Tuer. Il doit tuer. Mettre fin à la vie de quelqu’un. À la vie d’une personne qui ne lui a jamais rien fait, qui n’a jamais émis ne serait-ce que le moindre jugement envers lui, contrairement à tous ces crétins de Gryffondors... Mais il en est capable. Il gonfle le torse, fait rouler les muscles de ses épaules... Il en est capable et il fera tout pour y parvenir. C’est à ce moment qu’il commence son apprentissage de l’occlumencie. Parce qu’avoir pour mission d’abattre le directeur de l’école Poudlard – l’un des plus grands legilimens qui soit – et garder son esprit ouvert à toutes ses tentatives d’intrusion, serait complètement idiot. La plupart des sorciers travaillent toute leur vie dans l’objectif de fermer leur esprit. Lui n’a que deux mois. Il doit faire vite et être performant.

Bellatrix n’est pas une enseignante patiente. Sa tante lui a toujours fait peur, s’il est tout à fait honnête, et apprendre l’occlumencie n’arrange rien. Au début, elle se contente de soupirer longuement et de lui mettre quelques claques lorsqu’il ne réussit pas. Et puis le Seigneur des Ténèbres s’impatiente. Il lui demande d’être plus pressante et de ne pas laisser Draco paresser. Il veut des résultats et il en obtiendra. Alors les claques se transforment en Doloris. Chaque erreur est punie, chaque progrès est à peine pris en considération. Mais Draco comprend. Il doit faire mieux, l’honneur de sa famille repose sur ses épaules et c’est dans la douleur qu’on apprend, il a toujours appris dans la douleur. Il n’en dort presque plus, passe son temps à étudier des ouvrages sur le sujet quand il ne s’entraîne pas avec sa tante. Maman s’inquiète, mais ne dit rien. Elle a peur. La nuit, parfois, elle se glisse dans sa chambre, comme quand il était petit. Elle le force à arrête de lire, le fait manger, puis lui caresse les cheveux, lui dit que tout ira bien, l’apaise comme elle le peut. Tout ira bien.

Il est là, bras tendu, tremblotant. Il a réussi. L’armoire à disparaître a été réparée, il a pu faire entrer les mangemorts dans l’école. Il a perdu plus de quinze kilos – rien de visible sous ses lourdes robes – n’a pas dormi plus de dix minutes depuis des mois, a des cicatrices partout sur le corps – laissées par le sectumsempra, mais aussi par les punitions reçues durant les vacances pour son manque de progrès – et ne distingue même plus réellement la réalité de ses nombreux cauchemars. Combien de fois s’est-il vu dans cette position exacte, baguette pointée sur Dumbledore, prêt à accomplir son destin ? Il lui aura fallu du temps, plusieurs plans déjoués, mais il a fini par y arriver. Ce soir, il prendra une vie. Il le faut... Sinon, il sera tué.

Severus Snape. Bien sûr… Celui qu’il a passé l’année à éviter, à envoyer balader, à rabaisser, à garder hors de son esprit en redoublant d’efforts de concentration... Sans lui, il serait probablement mort, ou pire. Au lieu de ça, Père a été libéré de prison, Le Seigneur des Ténèbres est enfin là où il devrait être – au pouvoir – et Draco... Draco survit. Il n’a pas accompli sa tâche, même s’il a aidé, et sa famille n’est toujours pas dans les bonnes grâces du Seigneur des Ténèbres. Le Manoir a été envahi, toutes les pires ordures du monde sorcier défilent au gré du vent et la famille Malfoy n’est plus jamais seule. Il se fait bousculer, parfois frapper sans raison, sans compter son père qui le tient pour responsable de cette tombée en disgrâce. Il ne compte plus le nombre de doloris et voit sa Septième Année à Poudlard comme une échappatoire, une porte de sortie. Il déchante vite entre les murs du château. À cause de lui, plus rien ne sera jamais pareil.

C’est à Pâques que tout change. On le fait venir dans le grand salon, on lui demande d’identifier quelqu’un. En croisant ses yeux, il le reconnaît aussitôt. Potter. Aucun doute possible. Il a croisé ce regard pendant six ans, empli de toutes les émotions possibles, il le connaît par cœur. Mais il hésite. Parce qu’il voit bien la misère dans laquelle la présence des mangemorts et de Voldemort a plongé le Manoir. Parce qu’il sait que le seul qui a une chance d’arrêter tout ça, c’est ce foutu binoclard balafré. Parce que pour la toute première fois de sa vie, il doute de son père. Il doute de ses idées, de sa parole, de tout ce qu’il lui a toujours appris. Alors il hésite. Longtemps. Et ne dit rien. Pour la première fois, il déçoit volontairement son père. Et malgré les Doloris subis ensuite, malgré les coups... Il ne regrette pas.

Draco est partagé. Torturé, même, ironiquement. La torture physique, il la connaît bien. Il la subit depuis tellement longtemps qu’il n’est même plus certain de sentir la douleur. Mais la torture mentale, le fait de n’être sûr d’absolument rien, de ne plus savoir ce qui est vrai ou non, juste ou non... Tout ça est bien trop nouveau, bien trop effrayant. Il aimerait suivre ce qu’il a ressenti ce jour-là, en ne dénonçant pas Potter, mais il est terrorisé des conséquences. La douleur, il s’en fiche. Mais la mort... L’idée de la mort le tétanise. Et puis Potter le sauve. Une fois. Puis deux. Malgré tous les coups bas, malgré toute la haine, toute la rancœur, Potter fait passer sa vie en priorité, prenant le risque de ne pas s’en sortir lui-même.

Alors... Alors Draco dépose les armes. Il arrête tout simplement de se battre. Incapable de se ‘retourner contre son camp’, incapable de blesser quiconque du ‘camp adverse’. Il ne sait plus où il en est, ce qu’il est censé faire. Il assiste, impuissant et hébété, aux derniers combats, tapi dans un coin sombre, fidèle à sa lâcheté. Il ne sait pas à quel moment tout se termine, mais comprend que Voldemort n’est plus. Quelque chose dans l’air, dans l’oxygène même... Tout semble tout à coup bien plus léger, bien plus calme. Autour, rien que des ruines et des cadavres. Sanglotant, il sort de sa cachette. Cela fait des années qu’il n’a pas pleuré de cette façon, pas devant qui que ce soit. Il reconnaît certains visages, doit s’arrêter pour vomir, pour pleurer, avant de se remettre en marche. Il n’a pas de destination, pas de but, plus rien.

Et puis, il l’aperçoit. Une chevelure aussi blonde que la sienne, l’air hagard... Il se précipite vers elle, l’entoure de ses bras et la serre contre lui aussi fort qu’il le peut. Maman est en vie. Elle est là et il se rend compte qu’il a une chose à laquelle s’accrocher. Une chose, une seule, qui ne soit pas constituée que de ténèbres, de haine et de dédain. Lui aussi est en vie. Mais il ne le laisse pas les approcher. Plus jamais il ne se laissera faire.

Lucius est désormais en prison. Le monde sorcier se relève doucement, et Draco tente de faire de même. Il a quitté le Manoir, a laissé la collection d’artéfacts et de magie noire aux services compétents du Ministère et a aidé sa mère à vendre le plus de choses possibles. Cet argent est le seul auquel il veut toucher. Celui de son père, de la famille Malfoy, il n’en veut pas. Sa mère et lui prennent un petit appartement sur le Chemin de Traverse en reconstruction, pour tenter de repartir de zéro. Il se fait le plus petit possible, tente d’oublier les horreurs vues, vécues et infligées.

Petit à petit, Draco se découvre. Lui qui n’a jamais vécu que pour Lucius, que pour lui faire plaisir, comprend qu’il a le droit de vivre pour lui, d’avoir des passions et des intérêts autres que le Quidditch et la magie noire. Il retrouve son intérêt pour les livres, dévore tous ceux qu’il a décidé d’enlever de la bibliothèque du manoir, puis tente de s’en procurer de nouveaux chez Fleury&Bott. Mais les regards sont insistants. Sur son visage, ses cheveux, son avant-bras pourtant toujours recouvert, même dans la chaleur étouffante de l’été. Alors... Alors il se glisse du côté moldu. La première fois lui donne presque la nausée, la faute aux vieilles habitudes, mais il se découvre finalement un certain attrait pour la chose. Chez les moldus, personne ne le juge, puisque personne ne le connaît. Il peut bien être Draco Malfoy, il n’est rien d’autre qu’un Londonien parmi des millions d’autres.

En cachette, il passe des heures du côté moldu, dans les librairies ou chez les antiquaires, à la recherche de livres anciens ou récents, tout ce qui n’est pas trop cher et pourrait l’intéresser. Il n’a de toute façon plus vraiment de contact avec ceux qui formaient son entourage auparavant. Par honte, par peur, il ne sait pas trop. Il passe le plus clair de son temps dans l’appartement partagé avec sa mère, à lire et à pratiquer l’occlumencie. Cette capacité, on la lui a imposée, mais il l’apprécie désormais. Il n’a plus besoin de pratiquer sous la torture, il peut aller à son rythme, faire ce qui lui chante. Il a appris à aimer l’idée de garder toutes ses pensées pour lui, imperméable à toute tentative d’intrusion. Jamais plus personne ne s’insinuera dans son esprit comme l’a fait Lucius, comme l’a fait Face de Serpent. Ses pensées resteront pour lui, uniquement pour lui, le seul endroit où il gardera à jamais le contrôle qu’il a réussi à reprendre.